martes, 24 de agosto de 2010

De Elf Sanofi à Sanofi-Aventis : construction d’un champion "national à l’ère de la financiarisation"


















De Elf Sanofi à Sanofi-Aventis : construction d’un champion
national à l’ère de la financiarisation
Matthieu Montalban
GREThA (CNRS UMR 5113)
Université Montesquieu Bordeaux IV

Sanofi (à l’époque Elf Sanofi) fut créé en 1973 comme filiale du groupe de
pétrochimie Elf par acquisitions d’entreprises de tailles moyennes. Elle est donc le produit de
la diversification d’un groupe pétrochimique appartenant à l’Etat. L’histoire de l’entreprise est
aussi l’histoire de son dirigeant, Jean-François Dehecq, directeur général depuis la création de
la filiale et PDG depuis 1988. Si l’habitus de ce dirigeant ne semblait pas le prédisposer pas a
priori à atteindre une position aussi importante à l’ère de la financiarisation, nous verrons que
c’est l’adaptation de l’habitus de ce dernier aux règles du champ qui sont en fait à l’origine de
sa réussite et de l’imposition de sa marque sur l’entreprise. Nous allons voir que la
socialisation primaire s’est incorporée et travaille toujours le grand capitaliste. Né à Nantes en
1940, fils d’un employé de banque mort très jeune, petit-fils d’un cheminot, catholique et
admirateur du Général De Gaulle, le jeune homme empocha d’abord un CAP de tourneur
avant de goûter à l’ambition. Sur le modèle identificatoire de De Gaulle, grand bâtisseur,
homme ayant le sens de l’Etat, des responsabilités et grand paternaliste s’il en est, il cherche
d’abord à entrer à l’ENA sans succès, autrement dit la plus grande des grandes écoles, celle
qui fait advenir à la haute fonction étatique. Il parvint à entrer l’Ecole Nationale Supérieure
des Arts et Métiers et obtint son diplôme des arts et métiers en 1964. L’ENSAM offre une
formation d’ingénieur, donc d’essence technique. Il est alors engagé dans un lycée catholique
à Saint Vincent de Senlis comme professeur de mathématiques. En 1965 il entre à la Société
Nationale des Pétroles d’Aquitaine (futur Elf Aquitaine). Il gravit rapidement les échelons
(d’abord aux services économiques puis en tant qu’ingénieur d’exploitation à Lacq) avant
d’être remarqué par René Sautier, ancien énarque. Avec ce dernier ils fondent la filiale Elf
Sanofi. La création de Sanofi Elf répondait à la politique typiquement française de
construction de champions nationaux dans le pétrole et d’une diversification défensive face à
la crise pétrolière (Paulré, 2000). Comme entreprise nationalisée ces objectifs ne pouvaient se
résumer à la simple maximisation du profit et encore de la maximisation de la valeur
actionnariale, dont le principe n’existait pas dans le champ des entreprises françaises à
l’époque, le champ de ces entreprises créaient au contraire une forme d’intérêt à la défense de
l’intérêt national. En cela l’habitus de Dehecq était particulièrement adapté. Dès le départ le
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groupe pris des participations importantes dans les activités cosmétiques (participation à 64%
dans Yves Rocher en 1973). La filiale Elf Sanofi s’est développée par croissance externe et
investissement, à la fois dans les semences, la cosmétique, les activités diagnostiques et les
activités pharmaceutiques (OTC et éthiques). Ainsi en trente ans Sanofi a effectué plus de 300
acquisitions dans ces trois activités. Cependant cette trajectoire n’est en rien linéaire et nous
allons voir qu’elle est un bricolage compte tenu des contraintes afférentes à la construction
sociale du champ pharmaceutique, aux compétences du groupe et un certain nombre de
grands principes managériaux, qu’on tente d’appliquer au règles du jeu de la pharmacie. La
réussite de ce groupe, comme nous allons le voir doit beaucoup à l’habile politique
managériale de Dehecq, dirigeant gaullien, mélange subtil de paternalisme et d’autoritarisme
à l’appétit de pouvoir sans fin, et à un certain nombre de choix stratégiques heureux, compte
tenu des structures du secteur, qui ont consisté à hybrider progressivement le groupe vers un
mélange entre un modèle blockbuster et des spécificités françaises, tout en construisant un
compromis de gouvernement d’entreprise et une culture spécifique assurant la cohérence du
groupe.
1. Les contraintes afférentes au champ pharmaceutique français et la trajectoire de
l’entreprise dans les années 1980 et le début des années 1990 : les conditions de la genèse
d’un champion national adapté à la mondialisation.
La structure du champ pharmaceutique français est tout d’abord très ouverte aux grands
groupes étrangers (et cela depuis longtemps, voir Chauveau (1999)), en particulier Hoechst ou
Merck par exemple, tandis qu’il existe en fait nombre de groupes français de taille
relativement moyenne, le plus souvent détenu par leurs fondateurs. Dans le champ Sanofi Elf
est le numéro 2 derrière Rhône-Poulenc, une autre entreprise publique mais à l’échelle
mondial il ne se situe qu’entre le vingtième et le vingt-cinquième rang. Bien que le groupe
était une filiale détenue à 60% par l’entreprise publique Elf Aquitaine Sanofi Elf était cotée
depuis le milieu des années 1980. Le groupe s’est alors donc consolidé par des petites
acquisitions afin de construire des positions dominantes dans les activités pharmaceutiques,
cosmétiques, bio-industrielles voire même également dans l’agrochimie (semences), la santé
animale, la nutrition et les biotechnologies. Le groupe était alors relativement diversifié et
essentiellement focalisé sur le marché français. De plus l’activité pharmaceutique de groupe
n’était pas focalisé sur un ou deux blockbusters, mais sur un portefeuille de médicaments
diversifiés de prescription et OTC. Bien que le groupe était diversifié, il n’en demeure pas
3 moins que les activités Beauté et de diagnostic médical, représentant pourtant des marques et se situant dans les premières entreprises de leur secteur, apparaissaient peu dynamisées aux
yeux des analystes financiers et relativement moins rentables. En fait pour les analystes
financiers, la stratégie du groupe apparaissait obscure, avec une recherche qui à l’époque était
considérée comme peu productive par ces derniers. L’opinion de la majorité des analystes
pouvait se résumer ainsi : primo Sanofi est une entreprise publique, donc elle n’oeuvre pas
nécessairement dans l’intérêt des actionnaires ; secundo les faibles capacités de recherche en
interne du groupe explique son recours à la croissance externe, pouvant être dilutive ; enfin
l’entreprise est perçue comme un conglomérat peu cohérent. Tous les analystes ne
partageaient cependant pas cette opinion : quelques analystes faisaient remarquer que
l’entreprise soit publique peut avoir une rationalité dans la mesure où l’Etat est le principal
acheteur ; les acquisitions apparaissent en partie complémentaires et peuvent engendrer à
terme une croissance interne ; sur la recherche Elf Sanofi n’a pas lancé beaucoup de nouveaux
produits mais l’investissement en R&D n’a véritablement commencé que pendant la
deuxième partie des années 80 et il ne faut pas s’attendre à avoir de nouveaux produits avant
le début ou le milieu des années 90. En revanche tous les analystes sont d’accords pour
considérer que la stratégie de diversification du groupe est problématique.
C’est en 1988 que Dehecq prend les rênes en n°1 (il n’était que n°2), en imposant son équipe :
Gérard Le Fur, celui qu’il considère comme son « fils spirituel », à la recherche, Jean-Claude
Leroy aux finances et aux relations aux investisseurs et Nicole Cranois à la communication.
Cette gouvernance resserrée a pour but d’assurer la cohérence du groupe, alors que celui-ci
change en permanence de périmètre. A partir de ce moment Dehecq contrôle l’entreprise,
même s’il est encore dépendant de son actionnaire de référence. Cependant afin d’éviter les
interprétations individualistes ou idéalistes, il nous faut comprendre que les choix et
opportunités stratégiques offertes à Dehecq étaient largement contraintes par les structures du marché ainsi que les structures de Sanofi, comme l’habitus de Dehecq.

Le marché français était (et est encore) un marché où les prix sont dans la moyenne basse de
l’union européenne, d’où une rentabilité plus faible par rapport aux grands groupes mondiaux.
Or Sanofi est à l’époque un groupe assez peu internationalisé, donc dépendant du marché
intérieur. De plus le marché européen pharmaceutique n’est pas encore construit. Du fait de
ces contraintes le groupe avait deux options : soit maintenir une stratégie diversifiée, soit se
recentrer pour concentrer les ressources en R&D dans l’activité pharmaceutique en effectuant
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une grosse acquisition, comme le recommande les analystes. Dehecq semblait à l’époque
défendre une stratégie diversifiée, à l’encontre des critiques de certains analystes. Mais un
certain nombre de nouvelles contraintes et des opportunités vont l’amener à infléchir sa
stratégie. En effet dès 1991 Elf Aquitaine est coté à Wall Street ce qui implique une plus
grande visibilité de groupe. Sanofi continue alors ses acquisitions et sa diversification : selon
Thomson financials, le groupe a effectué plus de 14 acquisitions, tout en cédant d’autres
activités. En effet le groupe effectue des acquisitions dans les semences, les bio-industries et
essaye d’acquérir des positions internationales. Pour cela le groupe signe une alliance
commerciale et de co-développement avec Sterling, une société américaine. Cette alliance est
perçue positivement même si elle est selon certains analystes de trop petite envergure.
L’alliance avec Sterling permet d’être un leader dans l’OTC et d’être à deux l’un des 20 plus
grands groupes pharmaceutiques mondiaux. De plus elle permet au Ticlid l’antiagrégant
plaquettaire et produit-phare du groupe depuis des années d’avoir accès au marché américain.
A l’époque les principaux produits du groupes sont vieillissants : outre le Ticlid, le second
produit du groupe était la Fraxiparine (une héparine utilisée dans le traitement des thromboses)
et le troisième le Cordarone (amiodarone), deux produits découverts dans les années 1970.
Enfin l’alliance permettait de rationaliser la R&D tout en concentrant les efforts sur des
domaines plus rentables. Malgré ces acquisitions les résultats de 1991 ne montrent pas
d’améliorations de la rentabilité, qui reste à l’échelle du groupe de l’ordre de 8%. En effet la
marge opérationnelle de la branche pharmaceutique était à l’époque de l’ordre de 17%, quand
l’activité de la branche parfum et Beauté se situait à 7,9% en 1991 et 7,4% pour les bioactivités.
Le pipeline du groupe apparaît à l’époque un peu mieux évalué malgré le
vieillissement des produits, on attend notamment beaucoup du Plavix, un remplaçant du
Ticlid, et Aprovel/Avapro. En revanche l’activité Parfum donne de mauvais résultats,
s’attirant encore les critiques des analystes.

Deux ans plus tard Elf Aquitaine est privatisé. Son dirigeant de l’époque, Loïk Le Floch-
Prigent, était un mitterrandien qui avait « pantouflé » à la tête du groupe. Depuis un certain
temps il essayait de faire évoluer la stratégie du groupe vers un recentrage sur les activités.
Dans la mesure du possible Dehecq essayait de défendre son autonomie. Avec le changement
de gouvernement (Balladur) et la privatisation, Le Floch-Prigent risquait d’être évincé de Elf
et cherche donc à prendre la place de Dehecq à la tête de Sanofi. En effet un compromis se
nouait entre le Président de la République et son Premier Ministre pour remplacer Le Floch-
Prigent par le balladurien Jaffré (ancien énarque, inspecteur des finances et conseiller de

Balladur lors des privatisations de 1986) et tandis que le premier devait prendre la place de
Dehecq. Après plusieurs entrevues musclées à l’Elysée et à Matignon, Dehecq parvient à
conserver son poste. S’il a sauvé son poste, l’arrivée de Jaffré à la tête d’Elf impose de
nouvelles contraintes pour Sanofi et Dehecq. En effet à la différence de Dehecq, Jaffré
possède un habitus de financier, on le décrit comme froid et rationnel, alors que Dehecq est
impulsif et affectif (Dehecq avouera plus tard que Jaffré n’en demeurait pas moins honnête) :
créer de la valeur actionnariale est le critère qui pour Jaffré peut justifier une participation
dans Sanofi. De plus la privatisation entraîne l’arrivée d’investisseurs institutionnels dans le
capital du groupe, ce qui pousse le nouveau groupe vers une gestion plus sensible aux
marchés financiers ; or pour les analystes Elf est perçue comme une société pétrolière, ce qui
signifie que Sanofi est très loin de son coeur de métier (Paulré, 2000).

En 1998, Elf Aquitaine était en effet détenu à 83% par des institutionnels, dont 26% de noneuropéens.

Philippe Jaffré, en bon financier, conduit à une politique de clarification des métiers et de recentrage sur les métiers de base (ibid.). En particulier le groupe doit justifier auprès des investisseurs et analystes sa participation importante à Sanofi, alors 23ème groupe
mondial dans la pharmacie. Les analystes financiers ainsi que les investisseurs institutionnels
estiment que Elf Aquitaine doit se recentrer sur la pétrochimie (ibid.). De plus Elf Sanofi est à
l’époque beaucoup moins rentable que ses concurrents, en particulier anglo-saxons. Afin de
répondre aux attentes des investisseurs institutionnels, Elf impose à Sanofi de doubler son
ROCE en cinq ans, sinon Elf cèdera sa participation dans Sanofi. De plus Jaffré impose à
Sanofi d’autofinancer ses acquisitions. Etant donné la faible rentabilité du groupe et la taille
relativement moyenne, un désengagement d’Elf ferait de Sanofi une proie facile pour une Big
Pharma. Ce changement de mode de gestion pousse alors Dehecq et Sanofi à augmenter la
rentabilité du groupe. Afin d’augmenter sa présence aux Etats-Unis ainsi que sa capacité de
recherche, Sanofi acquiert Sterling Winthrop avec qui Sanofi avait signé une alliance
quelques années auparavant (filiale de Kodak). Mais pour financer l’acquisition Sanofi est
obligé de céder quelques unes de ses activités cosmétiques et l’essentiel des activités bioindustrielles.

Ce recentrage obligé par les contraintes stratégiques est salué par les investisseurs. L’opération permet de créer un acteur global et permet selon les analystes financiers des rationalisations de la R&D et des frais administratifs, ainsi que des synergies.

De plus en obtenant une implantation sur le marché américain, le groupe est moins dépendant
du marché domestique peu rentable et d’accéder à un marché beaucoup plus rentable tout en
augmentant le réseau commercial aux Etats-Unis. Cependant le groupe n’avait pas de nouveau
médicament à mettre sur le marché avant deux ou trois ans. En réalité à cette époque la
stratégie du groupe consiste toujours à conserver des activités dans la Beauté.

Afin de parvenir à atteindre les résultats imposés par son actionnaire principal, Sanofi
recherche une alliance et dans une politique de rationalisation, visant à rajeunir son
portefeuille de produits, de plus en plus vieillissant (Paulré, 2000). Depuis un moment les
analystes financiers anticipaient une telle stratégie. A leurs yeux la fusion idéale serait une
fusion avec Rhône Poulenc, n°1 en France. Une fusion avec Synthélabo, alors n°3 mais dans
une mauvaise posture depuis plusieurs années du fait de la perte d’un médicament phare,
n’aurait pas grand intérêt car la présence aux Etats-Unis du groupe leur apparaît insuffisante
et son pipeline peu attractif, malgré d’incontestables complémentarités entre les deux. De plus
Philippe Jaffré ne cachant pas sa volonté de profiter d’une éventuelle fusion de Sanofi pour
vendre une partie de sa participation et siégeant au conseil d’administration du groupe, il était
disposé à donner son accord à une telle opération. La fusion a eu lieu finalement entre Sanofi
et Synthélabo en 1998. Synthélabo est un groupe qui est né du rapprochement des laboratoires
Dausse et des laboratoires Robert & Carrière en 1970, dont L’Oréal prendra le contrôle en
1973. Il s’est agrandi par acquisitions successives d’entreprises à capitaux familiaux :

acquisition de la société Porgès en 1979 (urologie), Metabio-Joullié (1980), Ela Medical
(1983), Delagrange et Delalande (1992), Goupil (1993).

De Sanofi-Synthélabo à Sanofi-Aventis : la success story de Dehecq par la construction
d’une conception du contrôle « gaullo- blockbuster »

Ce fut une OPA amicale. La nouvelle société, Sanofi-Synthélabo était contrôlée par Elf à
35,19% (43,1% des droits de vote), à 19,6% par L’Oréal (26,2% des droits de vote), le reste
étant la propriété d’investisseurs institutionnels. L’Oréal et Elf signent un pacte d’actionnaires
qui les lient jusqu’en 2004 : le nouveau groupe est donc protégé pour un temps. La fusion
conduit à la cession des produits de Beauté (Nina Ricci et Yves Rocher entre autres) ainsi que
des dernières activités bio-industrielles, de nutrition et de santé animale. La nouvelle
entreprise est donc devenue un pure pharma player, ce qui est apprécié par les analystes
financiers. La déconsolidation des activités non pharmaceutiques a un avantage évident : elle
augmente mécaniquement le ROE, qui passe d’un peu plus de 8% à 17% entre 1998 et 1999.
L’amélioration de la rentabilité exigée par Elf Aquitaine quelques années plus tôt est donc
réalisée par la cession des activités non pharmaceutiques. Mais cette amélioration de la
rentabilité n’est pas destinée à rester un feu de paille puisque deux nouveaux futurs
blockbusters viennent d’être mis sur le marché.

La fusion permet la création du deuxième groupe pharmaceutique français et le 18ème groupe
mondial. Sanofi et Synthélabo apparaissent comme largement complémentaires, puisqu’ils
sont présents sur les mêmes axes thérapeutiques : la fusion permet ainsi au groupe de devenir
leader dans le domaine des thromboses. La nouvelle société est au départ co-dirigée par Jean-
François Dehecq et Hervé Guérin, les anciens PDG des deux groupes, car la fusion devait en
théorie une fusion entre égaux. Cependant cela signifiait de ce fait des doublons à tous les
étages. De plus cela est totalement contraire à la fois à la pratique de Dehecq, qui fonctionne
avec un cercle restreint d’hommes de confiance, et à l’habitus du personnage, self made man,
mais qui n’a pas une formation de financier, gaullien ayant voulu faire l’ENA mais ayant
échoué à son entrée, charismatique et affectif. Il accumule donc un capital symbolique fort,
notamment par rapport aux cadres et salariés du groupe : en effet il pratique régulièrement la
visite dans les usines, se montre paternaliste et « social ». Au contraire de Guérin (habitus de
financier) froid et rationnel ne possède pas un capital symbolique très fort, d’autant plus que
Synthélabo n’était guère une société appréciée par les analystes financiers avant la fusion.
S’engage alors une lutte entre les deux équipes dirigeantes. Le capital symbolique de Dehecq
lui permet de gagner la confiance des principaux cadres et d’évincer rapidement (au bout d’un
an) son collègue et des anciens cadres de Synthélabo pour imposer son équipe. Cette situation
apparaissait de toute façon intenable d’un point de vue organisationnel, puisqu’il existait des
doublons à l’ensemble des échelles de décisions, ce qui était une source de conflits et
empêchait une bonne coordination des équipes.

Mais contrairement à d’autres fusions, celle-ci n’a pas donné lieu à de licenciements secs,
mais simplement à 500 départs en préretraite. Néanmoins la méfiance des syndicats de
Synthélabo impose pour Dehecq de trouver des compromis en mettant en place une culture
d’entreprise fondée sur le dialogue social. Ceci est d’autant plus aisé que le groupe est encore
relativement protégé, malgré la contrainte financière imposée par Elf. De plus la santé
financière de l’entreprise est plutôt bonne. Mais cela paraît surtout nécessaire pour Dehecq
pour asseoir son contrôle et remettre rapidement les activités de recherche en place : il faut
parvenir à renouveler un pipeline qui laisse sceptique beaucoup d’analystes. En effet un
problème doit être résolu : Sanofi utilisait des technologies plus traditionnelles tout en
continuant à commercialiser les vieux médicaments, tandis que Synthélabo a beaucoup investi
dans la génomique et les techniques modernes. Il faut donc au départ gérer la fusion des
équipes de recherche et trouver une organisation appropriée. Une organisation par projets est
adoptée, visant l’optimisation des moyens et le raccourcissement des délais, en particulier
dans les développements cliniques : des équipes de chercheurs, cliniciens, de pharmacologues
et du marketing suivent chaque molécule de sa découverte jusqu’à la mise sur le marché. Le
groupe a par ailleurs développé quelques partenariats technologiques, sur du criblage haut
débit (avec CEREP), la génomique fonctionnelle afin de trouver de nouvelles cibles
biologiques (avec GENFIT), la recherche de nouvelles molécules candidates au
développement (accords avec Cephalon et ImmunoDesign Molecule). Mais à la différence
d’autres groupes comme Aventis, Roche, Pfizer ou Glaxosmithkline, le nombre d’accord est
relativement faible et très sélectif. La R&D est sous le contrôle du n°2 du groupe Gérard Le
Fur, que Dehecq considère largement comme son « fils spirituel » et son futur successeur. Ce
dernier parvient à fédérer, non sans difficultés les équipes de recherche, qui au départ se
sentaient en concurrence.

Le compromis de gouvernement d’entreprise qui s’institue à pour mot d’ordre le dialogue
social. Et de ce point de vue l’habitus gaulliste et catholique prédispose Dehecq à ce type de
pratiques, en forme de sublimation de l’ambition capitaliste. En effet si l’illusio du champ
capitaliste et managérial, comme son modèle, poussent à la construction d’empire et
d’accumulation d’un capital économique et symbolique, l’illusio et l’habitus catholique et
gaulliste (s’il est possible pour parler d’illusio et d’habitus dans ces cas précis) conduisent à
s’intéresser à l’Autre (« les premiers seront les derniers ») tout en accumulant un prestige. Or
ce prestige est aussi une forme de capital symbolique. Le dialogue social qui s’institue vise à
faire connaître aux salariés les objectifs et les enjeux de l’entreprise, afin d’assurer leur
assentiment au projet de l’entreprise et leur plein investissement. Les salariés sont mêmes
appelés à s’exprimer. En 2000 est mis en place un accord de mise en place d’un comité
d’entreprise européen, représentant plus de 20000 salariés de 15 pays membres. Quatre
accords structurent le système de rémunération : un accord sur l’intéressement, un sur la
participation, un sur l’abondement et un autre sur le plan d’épargne entreprise. L’objectif est
de maintenir la rémunération des salariés à un niveau au moins égal dans la médiane du
secteur. La rémunération comprend une part fixe, une rémunération individuelle et par équipe
en fonction de la performance de l’entreprise. Une gestion des compétences des salariés est
mise en place au travers d’un Comité des carrières : ces derniers concourent à l’élaboration de
parcours professionnels, en particulier pour les salariés clés du groupe. Une politique de
mobilité des cadres est instituée, afin de faciliter les mouvements internationaux, le brassage
de culture et la formation d’une culture commune au groupe. Des entretiens individuels visant
à établir des bilans annuels des performances individuelles et collectives sont mis en place, ce
qui permet aux salariés d’exprimer leur projet professionnel et leurs besoins de formation.
Ainsi 2004 voit la création d’un Comité Stratégie Formation et Développement des
Compétences. Cette politique salariale a pour but d’améliorer l’adhésion des salariés au
groupe, ainsi qu’à trouver de nouveaux candidats, ayant des valeurs proches de celles du
groupe. Hors de France la politique de protection sociale repose sur « un minimum Sanofi-
Synthélabo » à atteindre en complément des régimes publics obligatoires. Enfin plus de 95 %
des salariés en 2003 sont en contrat à durée indéterminée, et la parité homme/femme y est
respectée. En 2003, le groupe a été classé premier palmarès de la qualité de vie dans
l’entreprise, palmarès mis en place par Le Nouvel Observateur. Bien évidemment les conflits
ne sont pas pour autant absents, notamment par exemple le projet d’individualisation des
salaires, qui a reçu un accord plus que froid de la part des syndicats. Et si le dialogue social et
le capital symbolique de Dehecq sont souvent un avantage, sa tendance autoritaire et
paternaliste ne fut pas toujours du goût des syndicalistes.

Afin de rassurer les investisseurs et de faciliter les restructurations financières, le narratif
développé par Sanofi-Synthélabo cherche à valoriser la recherche et le pipeline du groupe On
souligne en particulier la réussite du lancement du Plavix et d’Avapro. Le groupe se fixe par
ailleurs l’objectif de mettre sur le marché 1 nouveau médicament par an. Mais également les
futures activités cédées sont également valorisées afin de trouver plus aisément un acquéreur.
Néanmoins on justifie la cession des ces activités par les investissements nécessaires : « Le
développement dans le secteur du luxe nécessite des investissements importants, on ne peut
pas tout faire ». Or étrangement quelques années plus tôt le même Dehecq n’avait pas hésité à
se diversifier dans ces activités, contre l’avis des analystes financiers… La cession des
activités diagnostics et bio-industrielles est a contrario justifiée parce que ces activités
subissent de grosses difficultés et n’arrivent pas atteindre ses objectifs. Il faut pour cela
effectuer des acquisitions ou des alliances pour renouer avec la croissance. Or la chose est
désormais moins aisée puisque Elf a clairement fait savoir qu’il ne financerait plus les
acquisitions de Sanofi, et encore moins de S anofi-Synthélabo où sa participation est encore
plus diluée. La contrainte actionnariale est donc plus grande pour Dehecq, même si
théoriquement le pacte d’actionnaire protège le groupe d’une OPA hostile et ces cessions
constituent en grande partie un revirement stratégique par rapport au discours et auxpratiques

passées.

Du fait de cette contrainte actionnariale plus prégnante, le groupe renforce alors sa position
aux Etats-Unis en 2000 et 2001, afin de bénéficier de la croissance très forte de ce marché et
de sa forte rentabilité. La stratégie du groupe consiste à promouvoir ses blockbusters, c’est-àdire une stratégie de profit fondée sur les produits innovants conformément à la conception du contrôle du secteur. En d’autres termes, Sanofi-Synthélabo 18ème mondial adopte une stratégie de dominant, comme Aventis son principal concurrent en France. En effet le nouveau groupe même s’il est protégé par son pacte d’actionnaire doit croître rapidement dans un univers où les fusions se multiplient entre grands (Aventis, AstraZeneca, Pfizer, Glaxosmithkline…). De plus Dehecq a une grande ambition : il souhaite faire de Sanofi un des dix premiers groupes mondiaux (si on en croit ses proches), afin d’accumuler une forme de capital symbolique, typique de l’habitus gaullien (grandeur d’une entreprise française). Il précise ainsi dès le départ que la stratégie de croissance externe sera utilisée par le groupe. C’est également pour cette raison qu’il est nécessaire pour le groupe de trouver un compromis de gouvernement d’entreprise visant à l’investissement des salariés et à attirer des candidats à fortes
compétences.

Les trois produits-phares du groupe (Ambien/Stilnox, Plavix et Aprovel) connaissent une
croissance très forte grâce aux synergies de la force de vente. De plus deux nouveaux produits
sortent sur le marché en 2002, appelés selon les analystes à devenir des blockbusters
(Eloxatine et Arixtra). Afin de bénéficier au maximum de ses produits-phares et en cohérence
avec les routines de l’entreprise, se met en place une gestion du cycle de vie des médicaments,
qui consiste à trouver de nouveaux domaines thérapeutiques pour ses médicaments sur le
marché et gérer la fin de vie des produits-phare. Le groupe a par ailleurs développé un accord
commercial dès 1994 avec Bristol-Myers Squibb afin que ce dernier commercialise à l’avenir
aux Etats-Unis le médicament vedette Plavix, ce qui assure une pénétration rapide du produit
sur le marché américain, bien qu’il limite les profits réalisés (on partage les résultats entre les
deux groupes). La croissance du groupe améliore grandement sa rentabilité. De ce fait de
1998 à 2003, Sanofi-Synthélabo fait partie des groupes ayant les meilleures performances et
les plus appréciés par les investisseurs (« star de la pharmacie mondiale »). Il n’en demeure
pas moins que Dehecq est obligé de défendre auprès des analystes la qualité de son pipeline et
de son équilibre.

En matière de recherche le groupe a continué à développer certains accords tout en
maintenant son organisation par projet. En matière de fabrication, le narratif du groupe précise
vouloir investir dans de nouvelles usines et dans de nouveaux procédés. La politique
privilégiée est le mutlisourcing : on produit sur plusieurs sites les molécules principales du
laboratoire, de façon à avoir suffisamment de réactivité face à la demande et éviter les
engorgements. De même on intègre verticalement en amont pour sécuriser les
approvisionnements (Rapport annuel). Ceci est normal compte tenu de la stratégie
d’innovation du groupe : la stratégie de profit fondée sur l’innovation doit être complétée par
des formes de flexibilités (Boyer, Freyssenet, 2000). De ce point de vue le groupe s’oppose à
certaines tendances du secteur, qui tendent à externaliser des parts conséquentes de la
fabrication des produits à des façonniers : c’est le cas d’Aventis et Pfizer par exemple qui
cèdent certaines de leurs usines à des façonniers.

Le modèle productif de Sanofi-Synthélabo : gaullisme social et stratégie blockbuster
En 2002 deux génériqueurs (Apotex et Dr Reddy’s) demandent à la FDA de mettre sur le
marché une copie du Plavix. Or le médicament est censé être protégé par son brevet jusqu’en
2011. Mais l’ Hatch-Waxman Act de 1984, visant à favoriser les génériques, prévoit qu’un
Stratégie innovation et flexibilité Champ pharmaceutique et systèmes de santé :
mode de croissance socialisé

Finance :
valeur
actionnariale
Marché en
forte
croissance
Travail très
qualifié
Compromis
« gaullistesocial
»,
implication dans
l’entreprise contre
bien-être salarial
Politique-produit : promouvoir les blockbusters,
marketing, investir aux Etats-Unis, recherche
d’indications supplémentaires et life cycle
management
Organisation
productive :
organisation par
projet,
intégration
verticale et
multisourcing,
recherche de
productivité
maximale pour
les usines
Relation salariale
Gestion des
compétences, haut
niveau de protection
sociale, salaires
supérieurs à la
médiane du secteur
ou du pays, épargne
salariale
Concurrence, centralisation du
capital et financiarisation laboratoire peut demander l’autorisation de commercialiser une copie d’un médicament s’il estime que le brevet le protégeant est contestable. C’est le recours utilisé par les deux génériqueurs pour attaquer Sanofi-Synthélabo ; de plus ils accusent le groupe de ne pas avoir dévoilé certains éléments du process de fabrication de Plavix, lors du dépôt de brevet.
Le groupe apparaît menacé, puisque Plavix est le premier blockbuster du groupe et il génère près de 35% du résultat opérationnel. Le groupe est donc menacé, car la perte du Plavix signifierait pour le groupe d’importantes pertes. Il décide donc de défendre vigoureusement son brevet.

Dehecq avait déjà eu l’occasion de défendre la nécessité de protéger les brevets un an
auparavant dans sa lettre aux actionnaires. En tout cas si le groupe perd le Plavix, il sera
OPAable. En effet une rumeur court chez les analystes financiers que le Plavix génère près de
45% des résultats du groupe. De plus Pfizer, dont la politique de prédation structure le secteur
dans son ensemble, est intéressé par le portefeuille de Sanofi-Synthélabo. Cependant Dehecq
tente de démentir la rumeur concernant le poids du Plavix dans les profits et déclare se
montrer confiant sur la validité du brevet. Il n’a de toute façon guère le choix : avouer le
contraire pourrait provoquer la panique et reviendrait à reconnaître avoir contourné à la
législation américaine sur les brevets.

Afin d’anticiper le risque de perte du blockbuster, Dehecq lance une OPA sur Aventis en
janvier 2004, un groupe franco-allemand de deux fois sa taille en chiffre d’affaire (Dehecq
affirme lui-même : « je lance cette OPA pour ne pas subir »). Il est clair qu’il existe un
certain nombre de dispositions chez Dehecq pour réaliser ce type d’opérations : celles-ci sont
en général l’occasion d’accumuler un capital symbolique encore plus fort auprès de la
communauté financière et de la communauté managériale. De plus cette opération est le
moyen de construire un grand groupe, de taille mondiale et français, meilleur moyen de flatter
les dispositions gaulliennes. Enfin Sanofi est habituée des opérations de ce genre, puisque
nous l’avons vu, le groupe se fonde sur un équilibre entre stratégie de croissance interne et
externe. L’ensemble de ses dispositions, autant liées à la firme qu’à son manager, sont mises
en mouvement par la contrainte structurale liée au risque de rachat. Un certain nombre de
signes avant-coureurs étaient pourtant là : depuis quelques semaines, Dehecq cherchait à
obtenir le contrôle à 100% d’Arixtra, d’idraparinux et d’autres oligosaccarides auprès de son
partenaire Akzo Nobel, qui sont de la même classe thérapeutique que le Lovenox d’Aventis,
le blockbuster du groupe, de façon à pouvoir céder ces produits en cas de fusion et
d’intervention de la Commission européenne. Le 13 avril 2004, Sanofi-Synthélabo cède en
effet ces produits à Glaxosmithkline. Mais surtout une étude Exane effectuée par des
analystes (consultants) du secteur encourageait à un rapprochement entre les deux sociétés à
l’initiative de Sanofi, car le climat social de ce dernier est plutôt bon, ce qui faciliterait
l’intégration des équipes (d’autant plus que le groupe a bien géré sa précédente fusion).

Aventis n’est pas un groupe en très bonne santé, tandis que Sanofi-Synthélabo a bénéficié
d’une forte croissance ses dernières années, d’une forte rentabilité, d’une bonne santé
financière et d’une bonne valorisation boursière. De plus le pacte d’actionnaire liant L’Oréal
et Total-Fina-Elf protégeant Sanofi-Synthélabo prend fin en décembre 2004. Il s’est donc
employé à construire un compromis avec ses actionnaires principaux par un vrai travail
politique : d’un côté Total (ayant entre temps fait une OPA sur Elf) dirigé par Thierry
Desmarest ne pose pas de problème puisque le groupe cherche à se désengager ; de l’autre
L’Oréal sous la coupe de Lindsay Owen Jones est plus réticent, dans la mesure où le groupe
tire pas moins de 430 millions d’euros de sa participation. Mais Liliane Bettencourt,
principale actionnaire de L’Oréal, est favorable à la formation d’un champion français de la
pharmacie (L’Expansion, 2004).

De son côté Aventis est contrôlé à 13% par Kuwait Petroleum Corporation (KPC), mais
possède près de 86% de flottants. Il n’est donc pas à l’abri d’une OPA. Le directoire et le
Comité de surveillance d’Aventis, où siègent le représentant de l’actionnaire principal du
groupe, refusent en bloc. Chaque groupe mobilise des banques d’affaires. BNP Paribas et
Merrill Lynch proposent plusieurs options pour l’OPA. L’offre initiale retenue valorise
Aventis à 47,8 milliards d’euros, dont 19% en cash et 81% en échange d’actions. Pour Igor
Landau, PDG depuis deux ans du groupe, « c’est un hold-up ! » (dixit le principal intéressé) il
contre-attaque de façon virulente. Une intense campagne de communication se met en place :
Aventis s’oppose à toute OPA avec Sanofi-Synthélabo qui serait destructrice de valeur pour
l’actionnaire, notamment car le Plavix est attaqué par des génériqueurs. Pour Aventis et
Landau, l’OPA de Sanofi-Synthélabo n’entre pas dans leur plan, qui est d’accroître encore
leur positionnement aux Etats-Unis. Or Sanofi ne tire qu’environ un quart de ses revenus des
Etats-Unis. De plus elle signifie une perte de capital symbolique, déjà fort peu reluisant tant
l’image du groupe est dépréciée, pour Igor Landau, le directoire et le conseil de surveillance
du groupe, composé entre autre de Jean-René Fourtou et Jürgen Dormann, les deux ex-PDG
du groupe et initiateurs du rapprochement entre Rhône-Poulenc et Hoechst. Aventis appelle
Novartis comme chevalier blanc : le groupe suisse, plus grand encore qu’Aventis regorge de
liquidités. De plus Daniel Vasella, son PDG, ne cache pas depuis un certain temps qu’il
cherche à faire une acquisition d’importance. Or face à Novartis, Sanofi-Synthélabo aurait du
mal à résister. Il faut par ailleurs pour Dehecq convaincre les syndicats d’Aventis. Les salariés
d’Aventis ont déjà subi beaucoup de restructurations, en particulier depuis un an, le groupe
ayant en 4 ans fermé la moitié de ses usines et ayant encore l’intention de rationaliser la
production en taillant dans le vif. Ils ne sont donc guère prêts à soutenir une OPA d’un
concurrent, souvent synonyme de licenciements. Mais les restructurations d’Aventis
impliquent qu’ils n’ont également aucune confiance dans Igor Landau : quand ils rencontrent
ce dernier pour discuter de l’OPA celui-ci assène sans précaution : « Si notre politique [de
restructuration] avait été suffisamment violente, nous ne serions pas en position d'être
rachetés ! » (L’Expansion, 2004). A contrario Dehecq a l’image et le discours d’un patron
social, et donc un pouvoir symbolique autrement plus consistant pour les salariés. Il sait
également que les investisseurs institutionnels sont très sceptiques, notamment car ceux-ci
perçoivent l’OPA comme essentiellement défensive et que le pipeline d’Aventis est un des
plus mauvais du secteur. En tant que capitaliste il doit parvenir à gagner l’assentiment des
salariés et construire un compromis satisfaisant pour éviter un conflit permanent au sein de
l’entreprise : il présentera aux salariés un plan assurant qu’il n’y aurait pas de licenciements
secs (comme dans la précédente OPA il propose des départs en retraite anticipée). Dès lors du
point de vue de l’intérêt des salariés, le projet Sanofi-Aventis vaut bien celui d’Aventis, même
si la confiance n’est pas aveugle.

Face au chevalier blanc Novartis et au plan concocté par Morgan Stanley, Goldman Sachs et
Rotschild, Dehecq, proche de Jacques Chirac, mobilise alors son capital social et ses amitiés
politiques. Le gouvernement français prend fait et cause pour un rapprochement francofrançais, visant à construire un champion national. Francis Mer pense que le rapprochement
est très positif. Le gouvernement cherche à décourager Novartis, sans succès, et à réconcilier
les deux français. Finalement l’intervention de l’Etat français et de Nicola Sarkozy (qui entre temps avait pris la place de Francis Mer) permet l’OPA entre Sanofi-Synthélabo et Aventis, malgré les suppliques de Igor Landau auprès du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. Les termes de l’échange obligeront à rehausser l’offre initiale de Sanofi-Synthélabo, notamment sous la pression de l’actionnaire principal d’Aventis, KPC. L’OPA a coûté 14 milliards d’euros au nouveau groupe, somme distribuée aux actionnaires, par endettement, soit environ l’équivalent du coût de développement d’au moins 17 médicaments, si on considère la rhétorique de PhRMA, qui prétend que le coût de développement d’un médicament est de 800 millions de dollars. Le nouveau groupe est donc contrôlé à 12,82% du capital par Total (21,4% des droits de vote) et à 10,27% par L’Oréal (17,1% des droits de vote). KPC possède encore 3,38% du capital, mais s’est depuis retiré. Total lui aussi prévoit de se retirer
progressivement du groupe. A terme Sanofi-Aventis sera beaucoup moins protégé face aux
investisseurs institutionnels, que ne l’était Sanofi-Synthélabo. Déjà Capital International Inc a
pour sa part pris une participation de 4,5% dans le nouveau groupe, ce qui en fait le troisième
actionnaire du groupe (sources : TOBO). Les anciens dirigeants d’Aventis s’en sortent avec
quelques compensations : ainsi Landau parvient à négocier une prime de licenciement pour la
modique somme de 20 millions d’euros, tout en restant administrateur du nouveau groupe.
Sanofi-Aventis à l’heure de la crise du secteur : un compromis entre le modèle blockbuster et le maintien des spécificités.

Le nouveau mastodonte est le troisième groupe mondial, après Pfizer et Glaxosmithkline. Les
contraintes du nouveau groupe sont les suivantes : réussir la fusion, ce qui impose d’instituer
un compromis interne à la firme compatible avec les cultures de chaque entreprise, gérer le
problème du durcissement des politiques de santé et de la concurrence des génériques en
défendant les brevets et en développant de nouveaux blockbusters et parvenir à inspirer la
confiance des analystes et investisseurs. En somme la problématique pour Sanofi-Aventis est
la suivante : comment négocier une sortie d’une trajectoire déséquilibrée de croissance forte
tirée par les blockbusters sans entraîner une désapprobation des analystes financiers ?
Le compromis de gouvernement d’entreprise

Comme dans la précédente fusion avec Synthélabo, Dehecq a imposé ses fidèles aux postes
clés, notamment Gérard Le Fur en vice-directeur général et chef de la R&D, Hanspeter Spek à
la direction des opérations pharmaceutiques et Jean-Claude Leroy à la direction financière.
Très rapidement les cadres d’Aventis en désaccords avec la nouvelle politique du groupe ont
été évincés, mais il semble qu’il n’y ait eu que peu de défections, bien que ces derniers n’aient
pas obtenu les postes clés. Les principes de la culture du dialogue social de Sanofi-Synthélabo
ont été conservés. Ceci a imposé pour Dehecq de rassurer les syndicats allemands d’Aventis,
qui étaient très méfiants vis-à-vis de la nouvelle direction. Les règles du compromis social
propres à Sanofi ont été conservées (dialogue social, rémunérations au moins égales à la
médiane du secteur, salaires mélangeant des primes à la performance individuelles et
collectives, « minimum » Sanofi pour la santé et la retraite). Le groupe a recherché des
synergies internes par la fermeture d’un certain nombre de centres administratifs. Cependant
malgré les réclamations des analystes qui exigeaient des licenciements de visiteurs médicaux
et des fermetures d’usines pour trouver des synergies, le groupe n’a effectué aucun
licenciement sec et a plutôt négocié des départs en retraite.

Narratif et stratégie de profit : entre continuité et renouvellement de la conception du
contrôle Selon le narratif le nouvel objectif de groupe est « une croissance forte, durable et
profitable ». Pour l’instant, le nouveau groupe conserve les principes du modèle productif de
Sanofi-Synthélabo, mais avec des adaptations spécifiques. La stratégie de profit reste axée sur
la mise en oeuvre de blockbusters, mais en fusionnant les deux groupes, Sanofi-Aventis se
retrouve avec un portefeuille de 2650 médicaments, soit plus de deux fois plus que Pfizer, le
numéro un mondial. Jean-François Dehecq a donc décidé de favoriser beaucoup plus ces
produits. Son nouveau mot d’ordre est « il n’y a pas de petits pays et pas de petit produits ».
Cela signifie que l’objectif est de gagner des parts de marché sur tous les produits et toutes les
zones géographiques (donc une croissance supérieure au marché). Mais ce mot d’ordre ne
signifie pas non plus l’abandon d’une politique blockbuster : il s’agit de faire à la fois des
blockbusters, donc extraire des rentes sur des médicaments innovants vendus aux Etats-Unis,
et d’autres produits. De fait le PDG a fait machine arrière par rapport à la politique menée par
le management d’Aventis, consistant à céder des médicaments non protégés et des génériques : en effet Landau avait l’intention de créer une société ad hoc contenant tous les produits
vieillissants d’Aventis pour la céder par spin off, et il avait auparavant cédé les génériques
d’Aventis à Ranbaxy. Dehecq propose donc de développer plus systématiquement les
génériques, OTC et produits vieillissants sous la marque Winthrop et sur chaque marché.
Cette stratégie a deux vocations : elle peut apparaître à terme payante puisqu’elle permet
simultanément au groupe d’équilibrer ses risques de dépendance aux produits-phares et les
difficultés liées à la concurrence des génériques, tout en bénéficiant de la croissance
vigoureuse du marché des génériques. Le développement d’une branche générique a
également l’avantage de limiter les pertes consécutives à la fin d’un brevet sur un blockbuster,
en continuant à le vendre à un prix plus faible. De plus la forte implantation aux Etats-Unis
d’Aventis facilite encore l’accès à ce marché aux produits de Sanofi. La redynamisation des
produits vieillissants permet la pleine utilisation de l’appareil industriel et donc de limiter les
licenciements, contenant ainsi les risques de grèves. Cela permet également de créer des
« synergies » importantes. L’autre axe de développement est celui des vaccins : Sanofi
Aventis est leader mondial dans le domaine des vaccins (joint-venture avec Merck & Co et en
concurrence avec Glaxosmithkline). L’objectif est d’avoir accès aussi bien aux pays riches
qu’aux pays pauvres, conformément à la nouvelle règle stratégique.

L’organisation de la recherche de Sanofi-Synthélabo, fondée sur les projets de recherche a été
conservée, tout comme les accords conclus par Aventis avec les entreprises de
biotechnologies et génomiques. Ensuite et contrairement à d’autres groupes, la nouvelle
politique consiste à développer tous les produits pouvant être mis sur le marché, et non les
plus rentables comme c’est le cas chez certains groupes. Ceci apparaît légitime dans un
contexte de crise aussi bien de l’opinion sur les groupes pharmaceutiques que sur la pérennité
des médicaments blockbusters. De part les domaines thérapeutiques développés, la fusion
apparaît comme porteuse de complémentarités, puisque les deux groupes développent des
produits dans l’oncologie, le cardiovasculaire et le système nerveux central. Même si la fusion
a donné lieu à de nombreuses fermetures sièges sociaux et à certaines craintes de la part des
syndicats allemands d’Aventis, le PDG s’est engagé (contre l’avis des analystes financiers du
secteur), à ne pratiquer aucun licenciement sec, de façon à éviter tout conflit social. Au
contraire il a été choisi de négocier des cessions volontaires d’activités relativement
avantageuses sous forme de préretraites pour environ 3000 salariés. Néanmoins
conformément au plan de rationalisation d’Aventis initialement prévu par Igor Landau (ex
PDG d’Aventis), Sanofi-Aventis cède sa R&D sur les anti-infectieux, logée dans la société
Novexell. De même le fonds de capital-risque Pharmavent pour les biotechnologies, alliant
Aventis et la CDC est conservé. Ce fond doit permettre de financer les biotechnologies, afin
que le groupe bénéficie à long terme des retombées. La taille du groupe lui permet désormais
d’avoir une politique de contrôle total sur les produits en co-développement (quand cela est
possible).
La nécessité de conserver des blockbusters et la gestion de la concurrence face aux
génériques .

Le nouveau groupe possède désormais 8 blockbusters, et bientôt 2 de plus. De plus le pipeline
du nouveau groupe se trouve être l’un des plus importants du secteur. Le narratif autour du
pipeline souligne que c’est un des meilleurs du secteur, avec beaucoup de médicaments en
stade avancé, dont plusieurs sont des first in class, c’est-à-dire de produits utilisant un
mécanisme nouveau et appartenant à une nouvelle classe thérapeutique. En d’autres termes ce
sont de nouveaux concepts (au sens du modèle de conception CK). En particulier le groupe
fonde beaucoup d’espoirs sur Rimonabant (Acomplia), qui peut être prescrit contre l’obésité
et contre le sevrage tabagique. Il est intéressant d’étudier la politique-produit propre
spécifique à ce produit. Ce produit peut être classé à la fois comme appartenant à la classe
thérapeutique cardiovasculaire et du système nerveux central, soit les deux classes
thérapeutiques rapportant le plus. Le médicament fonctionne comme un coupe faim. Il cible le
marché des obèses, des individus victimes du « syndrome métabolique » et des individus en
surpoids. Le « concept » est un produit qui cherche à limiter le risque de morbidité associé au
surpoids et à l’obésité. En effet le risque d’infarctus et de diabète type 2 est significativement
corrélé à l’obésité. Ce médicament vient d’être approuvé pour l’obésité et le surpoids par la
FDA et l’Union Européenne (mais refusé pour l’indication sevrage tabagique). Ce médicament pourrait générer plus 4 milliards de dollars de chiffre d’affaire.

L’autre blockbuster potentiel est le dronédarone (Multaq), un successeur de l’amiodarone. La
FDA a récemment envoyé une « non approvable letter » pour le Multaq afin d’effectuer des
essais cliniques sur une plus grande population. C’est là un signe de la plus grande sévérité de
la FDA. Ceci constitue aussi un revers pour le groupe. On voit donc que la politique du
blockbuster n’est pas abandonnée, car la contrainte de sentier qui s’exprime pour les Big
Pharma est forte : Le groupe reste sous la pression des génériqueurs, avec trois procès sur les
trois principaux blockbusters du groupe : Plavix, Allegra et Lovenox. L’Allegra est d’ores et
déjà génériqué, puisque son brevet a atteint son terme.

Le Plavix est l’occasion d’analyser la judiciarisation de la concurrence dans l’industrie
pharmaceutique. Pour ce qui est de Plavix les investisseurs restent très sensibles aux nouvelles
concernant le procès. Il convient tout d’abord de noter que Plavix est aujourd’hui le second
médicament le plus vendu au monde après le Lipitor de Pfizer. Pour autant l’efficacité du
produit par rapport à l’aspirine (médicament beaucoup moins cher) reste contestée. Il s’agit
d’un anti-agrégant plaquettaire utilisé dans le traitement de la thrombose. Ce médicament
devrait être protégé jusqu’en 2011. Mais son brevet est contesté par Apotex, qui prétend que
le clopidrogel (le nom de la molécule) est un produit connu depuis longtemps. La contestation
d’Apotex date de la fin 2002. Jusqu’à il y a peu de temps, Sanofi-Aventis et son partenaire
Bristol-Myers Squibb sont parvenus à faire reporter la date du procès. Récemment les deux
groupes ainsi que Apotex avaient trouvé un accord afin de retarder l’entrée de ce dernier sur
le marché, contre compensations financières. La FTC a invalidé cet accord, car considéré
comme anti-concurrentiel. Apotex a donc commencé à vendre un générique de Plavix.

Cependant le 3 septembre dernier la justice américaine a donné un premier verdict favorable à
Sanofi et BMS. Cependant ce verdict n’a pas empêché une pénétration extrêmement rapide du
générique du Plavix sur le marché, amputant d’autant les profits des groupes. De plus la
justice américaine a demandé à BMS et Sanofi-Aventis de lancer une émission obligataire de
400 millions pour dédommager Apotex en cas de victoire de ce dernier dans le procès. Il va
de soi que la mise sur le marché du générique va amputer de façon très significative le résultat
et la croissance de Sanofi-Aventis. De ce fait Sanofi-Aventis ne prévoit plus qu’une croissance de 2% du bénéfice par actions au lieu de 12% pour 2006.

La contrainte politique, l’intérêt de la stratégie vaccins et les difficultés du modèle
blockbuster dans le nouvel environnement.

Depuis la réforme de Medicare aux Etats-Unis et la crise du Vioxx, la stratégie blockbuster
apparaît de plus en plus délicate à tenir. D’où l’intérêt de la conception du contrôle « pas de
petits produits, pas de petits pays », qui permet de s’accommoder des déremboursements et de la contrainte générique. Cependant dans le même temps le gouvernement français a imposé
des déremboursements de plus en plus nombreux ainsi que des pressions sur les prix plus
fortes, afin de réduire le déficit de l’assurance-maladie. Or Sanofi-Aventis, avec environ 27%
du marché français est très exposé. La pression sur les prix est très forte ses derniers mois
également en Allemagne. La mise sur le marché de nouveaux vaccins apparaît ici comme un
relais de croissance intéressant pour le groupe (mise sur le marché de Menactra et Pentacel et
bientôt Adacel). De plus son alliance avec Merck & Co sur les vaccins peut être profitable
puisque Merck & Co vient de recevoir l’AMM pour Gardasil, un vaccin contre le
papillonnavirus, pour l’indication de vaccin contre cancer du col de l’utérus. Par ailleurs la
FDA tarde à donner l’AMM à Acomplia, de ce fait Sanofi-Aventis se trouve en difficulté
malgré un pipeline bien fourni. D’autant plus qu’Acomplia a été accepté en Allemagne
comme simple médicament de confort, c’est-à-dire ici comme pilule amincissante, donc
faiblement remboursée ! Il s’agit d’un revers assez sérieux. De ce fait depuis janvier 2007,
Sanofi-Aventis, désormais dirigé par Gérard Le Fur (ancien directeur de la recherche) tente de
résoudre son problème de la même manière que Dehecq l’a toujours fait : par la croissance
externe. Après la méga-fusion avec Aventis il y a à peine deux ans et demi, Sanofi envisageait
soit une fusion avec BMS (qui commercialise Plavix et qui est donc en grande
difficulté…d’ailleurs son CEO Peter Dolan, a été remercié par ses actionnaires) afin de
s’implanter encore plus aux Etats-Unis (on parle aussi parfois de Merck &Co), qui a été
récemment abandonné après discussion entre la direction des deux groupes, soit des achats de
biotechs pour accroître son pipeline, suivant ainsi la tendance récente des grands groupes
(GlaxoSmithKline, Pfizer et Merck notamment).

Face à ces contraintes Jean-François Dehecq multiplie les formes de politisation, en accord
avec les syndicats de l’industrie : publication d’une tribune libre dans Le Monde pour
défendre la recherche en France, critiques continues des modes de tarification des
médicaments en France et en Allemagne, adhésion au PhRMA aux Etats-Unis. Et Sanofi vient
de porter plainte contre l’agence du médicament allemande afin de revoir la classification
d’Acomplia.

Le modèle productif Sanofi-Aventis : gaullisme social et hésitation entre stratégie à
dominante blockbuster (innovation et flexibilité) et à la marge volume et variété (« pas de
petits pays, pas de petits produits »)
Stratégie innovation,
flexibilité et diversité
Champ pharmaceutique et systèmes de santé :
mode de croissance socialisé
Finance : valeur
actionnariale
Marché en
forte
croissance
Travail très
qualifié
Compromis
« gaullistesocial
»,
implication dans
l’entreprise contre
bien-être salarial
Organisation
productive :
organisation par
projet,
intégration
verticale et
multisourcing,
recherche de
productivité
maximale pour
les usines
Relation salariale
Gestion des
compétences, haut
niveau de protection
sociale, salaires
supérieurs à la
médiane du secteur
ou du pays, épargne
salariale
Concurrence, centralisation du capital et financiarisation

Politique-produit : promouvoir vaccins, les
blockbusters, marketing, investir aux Etats-Unis,
recherche d’indications supplémentaires et life cycle
management, défendre les vieux produits

Conclusions :

Les institutions et les structures du champ pharmaceutique ont offert à Sanofi et à Dehecq la
possibilité de développer un modèle original. A la différence de Aventis, les restructurations
n’ont pas donné lieu à une baisse des effectifs importants et la croissance du groupe fut très
rapide. On observe ici en quoi l’habitus, la culture managériale, le capital (culturel et social)
de Dehecq et l’évolution des structures de l’industrie et de Sanofi sont entrés en
complémentarité. Le cas de Sanofi-Aventis souligne l’importance des institutions nationales,
même si les contraintes globales ont conduit le groupe à utiliser les ressources
institutionnelles nationales spécifiques. Point également important, ce cas souligne le rôle du
politique et des « compromis de gouvernement d’entreprise » dans la gestion de la firme. Par
ailleurs ce cas illustre parfaitement la complexité des stratégies à l’ère de la financiarisation et
en quoi le risque de prise de contrôle hostile structure les groupes pharmaceutiques. Il faut
également souligner la spécificité de la trajectoire et de la stratégie de Sanofi, à la fois fondée
sur la croissance interne et externe, et un équilibre entre produits-phares et opportunité
s’offrant sur des produits parallèles. Ce cas enfin souligne encore, comme pour Glaxo, le rôle
de la politique commerciale, des alliances marketing et du positionnement aux Etats-Unis
pour l’accélération de la croissance. Bien que Sanofi-Aventis soit troisième mondial et ait un
bon pipeline, l’incertitude reste grande dans le secteur sur le modèle productif à adopter. On
observe que malgré la volonté interne de maintenir une culture d’entreprise spécifique fondée
sur un compromis social avantageux et malgré des velléités de diversifier les risques, Sanofi a
été contraint indirectement d’adopter le modèle dominant, fondé sur le recentrage sur les
médicaments blockbuster et la croissance externe. Ce cas a aussi le mérite de souligner que la
financiarisation ne conduit pas nécessairement à une détérioration du compromis de
gouvernement d’entreprise ou des relations salariales.

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